Le 21 mai 2007, fraîchement élu, Nicolas Sarkozy s’est sacrifié au traditionnel exercice de la photo officielle. Sur suggestion du photographe, il a accepté pour la première fois que le drapeau européen soit associé au drapeau français. Même si cela reflétait sans doute plus la volonté de l’homme de s’imposer sur la scène européenne - et mondiale - qu’une réelle europhilie, le symbole était d’importance.
A la veille de la journée de l'Europe et alors que l'Union Européenne est ébranlée par l'une des plus graves crises de sa courte histoire, Nicolas Sarkozy regrette peut-être d'avoir voulu marquer si ostensiblement son mandat du sceau européen : il n'est pas inenvisageable que ce drapeau ait perdu toute signification dans 10 ans.
Des économistes tout ce qu'il y a de plus sérieux, parmi eux des prix Nobel, commencent à évoquer très sérieusement la mort de l'euro. Une hypothèse que le réveil des égoïsmes nationaux rend de plus en plus crédible. L'Europe apparaît comme irrémédiablement divisée quand elle a plus que jamais besoin de se montrer unie. Nos dirigeants ont la mémoire courte. A moyen terme, le spectre d'un retour de l'inflation, du chômage et des conflits sociaux d'envergure n'a plus rien d'irréaliste. Je tremble aux perspectives que cela ouvrirait.
L'Europe a déjà connu une situation similaire, après le Krach de 1929. Un terreau de misère où s'épanouissent les extrêmes. Il n'a fallu que 10 ans pour que la seconde guerre mondiale éclate. Pour rappel, en 1919 les pays européens avaient adhéré à la Société des Nations, on pensait les conflits terminés pour de bon. Las ! L'Homme est ce qu'il est. Les peuples ont la mémoire plus courte encore que leurs dirigeants.
Si la Belgique peut mourir, je ne vois pas pourquoi l'Union Européenne serait moins vulnérable. Le processus est le même : on ne se comprend plus, on s'accuse, on stigmatise et puis on finit par se séparer faute de projet commun. Il n'y a plus que le roi qui unit les belges, dit-on. Qu'est-ce qui unit les européens aujourd'hui ? Sûrement pas la volonté de vivre ensemble. L'euro ? Peut-être, encore faudra-t-il le sauver. Je pourrais continuer, parler de la stigmatisation des immigrés et des musulmans en particulier, qui reflètent autre chose qu'un simple problème d'assimilation ou qu'une histoire de conflits de valeurs : j'y vois la recherche plus ou moins consciente de boucs-émissaires. Les discours anti-riches, pas toujours injustifiés tant les inégalités se sont creusées, sont du même ordre. Je m'arrête là, à quoi bon jouer les Cassandre ?
J'en suis persuadé, nous sommes à un croisement. Le meilleur comme le pire peuvent en résulter. Honnêtement, je n'ai pas l'impression qu'on prenne la première direction. C'est de la tristesse et de l'amertume que je ressens devant la mort annoncée du rêve européen.
(###) Les enfants terribles, que j'ai eu l'agréable surprise de retrouver sur Youtube.