Les images que l'on reçoit du Japon sont ahurissantes. On a peine à croire qu'il ne s'agit pas d'un mauvais film catastrophe. Surtout, ces visions apocalyptiques réveillent une terreur quelque peu enterrée ; l'ombre du champignon atomique plane à nouveau sur nos têtes. L'enchaînement des évènements est tel qu'on tend inconsciemment à faire quelques amalgames et on en oublierait presque que c'est le tsunami qui a provoqué un incident nucléaire majeur, et non l'inverse. Il faut dire que, des décennies durant, le monde s'était habitué à imaginer l'apocalypse nucléaire. Combien de fois pendant la guerre froide n'a-t-il pas fallu retenir son souffle ? On parle beaucoup de Tchernobyl, mais ces images de Sendai dévastée évoquent plutôt Hiroshima.
Je réfléchissais à tout cela et je me suis mis à repenser à Fallout, un jeu de rôle sur lequel j'ai usé mes yeux d'adolescents plus qu'il n'était raisonnable. Le mot veut dire "retombées", comme dans "retombées nucléaires". Le jeu se déroule dans un monde ayant basculé dans le conflit nucléaire généralisé. Une poignée d'élus (de privilégiés) s'est réfugié dans des abris anti-atomiques et y a vécu coupé du monde pendant des décennies. La surface est totalement irradiée, une partie de ces habitants est en proie à d'inquiétantes mutations. Les survivants s'organisent en bande et tentent de faire renaître des villes du chaos.
L'intérêt véritable de Fallout, c'est qu'on sentait poindre une ironie mordante et une critique au vitriol de la société occidentale derrière ce scénario de science-fiction somme toute assez classique. Dans la vidéo de lancement, on aperçoit une publicité pour les "voûtes", les fameux abris anti-atomiques, dans un style très années 60 (on imagine sans mal les Mad Men s'être penchés sur le sujet). Petit à petit la caméra recule, jusqu'à ce qu'on aperçoive la télévision dans son environnement : une maison en ruine au milieu du désert.
Tout l'univers du jeu reposait sur ce décalage entre un monde cauchemardesque et les représentations innocentes et aseptisées qui en étaient faites au joueur. Ces derniers temps j'ai également eu l'impression que plusieurs de nos responsables "du plus haut niveau", pour employer l'expression consacrée, avaient tendance à reprendre ce décalage à leur compte.
Près de 10 000 personnes sont probablement mortes des conséquences du tremblement de terre et du tsunami qui s'en est ensuivi. Contre la nature il est parfois impossible de lutter. Près de 50 autres ont fait le choix de sacrifier leur vie et s'acharnent actuellement à tenir à distance le risque d'un accident nucléaire majeur. Ce risque là n'avait rien d'une fatalité. Pour l'instant, on ne peut pas dire grand chose de plus, mais c'est déjà beaucoup.
(###) The Streets - Outside Inside
Un magnifique article sur le malheure profond de notre monde.
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