Joshua Radin était en concert à la Bastille samedi 10 octobre, Joseph Arthur au café de la Danse le vendredi suivant. Joseph et Joshua, une entrée en matière très biblique pour parler de deux frères ennemis de la folk alternative américaine. Les deux chanteurs sont originaires de l’Ohio et pratiquent un même rock dépressif à base de guitare acoustique, d’harmonica et de textes à fleur de peau. Avec tant de points communs, on pouvait s’attendre à deux concerts très similaires. Il n’en fut rien.
Physiquement, les deux hommes ne pourraient être plus dissemblables. Joshua Radin est un dandy dans le style newyorkais, avec gilet noir, feutre gris et dentition impeccable. Joseph Arthur représente la face sombre du folk américain : une allure de pantin cassé, courbé dans un corps trop grand, un nez de rapace, le visage hérissé d’une barbe de trois jours enfoui dans des cheveux gras et longs. On imagine le premier fréquenter les caves branchées de la Nouvelle-Orléans et l’autre les bistrots crasseux des plaines de l’Alaska.
Joshua Radin est venu accompagné d’un groupe : clavier, guitare, basse, harmonica et contrebasse alternent sur scène. Joseph Arthur a laissé les Lonely Astronauts qui l’accompagnent d’habitude pour jouer seul. Il a tout de même emmené dans ses bagages deux consoles d’enregistrement qu’il utilise pour s’entourer d’un environnement musical qu’il crée au fur et à mesure. La caisse de sa guitare lui sert de batterie, il enregistre les sons qui tournent ensuite en boucle. Le résultat est impressionnant et parfaitement maîtrisé. Mais le processus l’isole complètement du public, concentré qu’il est sur la construction de ses morceaux. Très vite on a l’impression d’être face à un gamin autiste, enfermé dans son univers qu’il ne parvient à communiquer que par mégarde. En trois quart d’heure de concerts il n’aura prononcé que trois mots.
De son côté, Joshua Radin était d’humeur légère. Il aime Paris. Il le dit, même, il va s’y installer. Rire cynique du public, un peu trop habitué à être si facilement flatté. Mais non, il insiste, il va y vivre. En tout cas il y songe. « La gastronomie française, les femmes, de quoi est-ce que j’aurai besoin de plus ? », s’enquière-t-il. « D’un visa et d’un permis de travail, je peux t’en toucher deux trois mots si tu veux », lui répond entre ses dents une américaine derrière moi. Non, décidemment, Joshua Radin n’a pas envie de pleurer ce soir. Difficile quand on a un répertoire comme le sien. Il parvient malgré tout, et je dois dire avec un certain brio, à faire passer l’émotion de ses chansons tout en faisant rire le public de bon cœur entre deux morceaux. Il s’amuse à raconter le contexte de ses chansons, rit de ses ruptures et maudit son étoile qui le pousse à ne rencontrer « que des filles dépressives ». « Je suis sûr qu’il y en a plein la salle », s’amuse-t-il encore. Il fait preuve de beaucoup d’autodérision, ce qui aide à faire passer des textes parfois un peu mielleux. Après quelques classiques de son répertoire joués presque en acoustique, il part avec son groupe dans un set plus rock, extrêmement réussi. « Ne vous inquiétez-pas, je reviendrai aux trucs dépressifs juste après », fait-il semblant de s’excuser.
Il y revient.
Looks like the rain's pouring down on me / It's drowning me now / And all I want is to come back home / And this old corduroy coat is not keeping me dry / But I can't think of what else to try / That's why the best thing I can give to you / Is for me to go / Leave you alone / You got growing up to do.
Vient l’heure des rappels. Inévitables et tellement institués que Desproges exigeait de faire le sien « au début », pour ne pas avoir à revenir. Joseph Arthur revient, recommence à jouer avec sa console, produit un son proche du grincement qui hérisse une partie du public. Il s’arrête. Sourit : « l’inspiration n’est pas quelque chose qu’on est toujours censé suivre », s’excuse-t-il de bon cœur. Ca y est, il laisse ses jouets électroniques et se contente de sa guitare. Il repart pour trois quart d’heure proposant un spectacle beaucoup plus réussi que sa performance jusqu’ici. Un ange aux cheveux rouge danse péniblement sur scène, titube et, un peu maladroitement, colle un baiser sur la joue du chanteur avant de redescendre - non sans abandonner ses ailes. Cette fois la salle est emballée. C’est sous les applaudissements nourris de la salle que Joseph Arthur quittera la scène, non sans avoir revêtu les ailes de l’ange déchu. Il a des allures d’archange en exil.
Il n’a pas chanté All of our hands, cette fois, c’aurait pourtant été la chanson idéale.
Until we feed the starving, blood is on all of our hands / Babylon is burning and there is no promised land / Until we clothe the naked all of us are damned / Dreams are just for savages calling themselves men / And in time fire will rain down / On our head the sky will open up and life will be bled.
Joshua Radin aussi termine en beauté. Pour leur dernier morceau, tout le groupe vient se placer au milieu du public. Les voilà qui forment un cercle et jouent et chantent debout au milieu d’une foule plus que conquise.
Vivement Tom McRae.
bcp de chance de pouvoir entendre de telles musiques et de ns partager ton ressenti
RépondreSupprimerbravo pour les commentaires on participe
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