jeudi 4 novembre 2010

"The American", thriller contemplatif

A contre-emploi, George Clooney interprète un tueur en quête de rédemption dans un film lent et mélancolique

Jack, un assassin professionnel poursuivi par de mystérieux tueurs suédois se réfugie dans une petite ville de montagne italienne où il prépare son dernier contrat. A lire le synopsis de The American, on serait tenté de le classer dans la catégorie des thrillers grand public. Alors autant le dire d’entrée, les spectateurs qui viendraient voir un spectacle à gros budget avec fusillades, courses-poursuites et scénario à tiroirs resteront sur leur faim.

On y retrouve certes George Clooney, un habitué de ce genre de films, mais presque à contre-emploi. Il incarne ici un tueur à gages tourmenté et paranoïaque, assez loin du séducteur gouailleur qu’on a pris l’habitude de le voir interpréter. Jack est un solitaire avare de ses mots et dont les lèvres semblent incapables d’esquisser un sourire. Après un épisode suédois qui tourne au fiasco, maculant de sang les neiges scandinaves, il est prêt à raccrocher. Il accepte néanmoins une dernière mission, qu’il prépare dans un village reculé, quelque part au sud de l’Italie.

Avant d’être cinéaste, Anton Corbjin est photographe, et en bon photographe, il préfère suggérer que montrer. On ne saura donc pas grand-chose de l’intrigue ni de ce passé que Jack cherche à solder. Le réalisateur s’intéresse beaucoup plus à l’état présent de son personnage. Il filme les lents préparatifs de cet artisan du crime, ses errances dans les collines alentours, mais aussi ses rencontres avec les habitants. Car rapidement, le héros oublie l’injonction de son employeur : « Ne te fais aucun ami. » Il brave l’interdit en se liant avec les extrêmes : un prêtre – bavard et curieux – et une prostituée, tous deux très attachants.

Parenthèses étouffantes

Les quelques scènes d’action qui viennent ponctuer le récit en renforcent encore la lenteur générale. Filmées de manière dense, elles constituent des parenthèses de violence qui viennent rappeler au héros une condition étouffante à laquelle il rêve d’échapper. Au village, on l’appelle d’ailleurs « monsieur papillon ». Une espèce menacée, comme Jack le souligne lui-même.

Anton Corbijn construit un film à part, un roman à suspense sans intrigue baignant dans un flou qu'on ne peut que qualifier d'artistique. Les paysages, filmés avec un sens du cadrage et de la lumière remarquable (déjà présent dans l'éblouissant Control, sorti en 2007), y prennent autant d’importance que les personnages. Le réalisateur invente un thriller contemplatif et mélancolique déroutant, mais qui séduira les spectateurs les moins pressés.

The American (2010), 01h43
Film de Anton Corbijn
Avec George Clooney, Paolo Bonacelli,
Violante Placido et Thekla Reuten

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