lundi 29 mars 2010

Un mendiant au banquet

Les mauvaises nouvelles sont des bouffons qui s’invitent aux banquets des rois. Elles entrent dans nos esprits comme ce prophète mendiant, cette épave déguenillée, qui écarte les lourdes portes et se glisse dans la grande salle du château. Peu à peu on l’aperçoit. Les conversations s’éteignent, presque doucement. Un dernier rire sonne faux, se crispe et sombre brutalement. Son auteur le conclut d’une grimace honteuse. Le petit homme n’a pas joint les convives à table mais il occupe tous les esprits. Pour l’instant il se contente d’être là. Il attend. Il se tait. Il savoure.

Les conversations reprennent dans un murmure. On attend et on craint qu’il prenne la parole. Ces prophéties terribles qu’il déclamait tout à l’heure en tambourinant sur la porte, on ne les entendait pas. Il était dehors. Il ne saurait rentrer, il allait rebrousser chemin et on en rirait bien. Et maintenant il est là. La question n’est plus de savoir s’il parlera, mais quand ? Le roi s’est raidi. Il sait qu’il n’y échappera pas. Quand va-t-il déverser son fiel empoisonné ? Quand va-t-il provoquer la fin en l’annonçant ?

Secrètement, l’assemblée continue d’espérer que ce bouffon souriant va finalement repartir comme il est venu, sans dire un mot. Peut-être tempêtera-t-il un peu en sortant et puis les portes se refermeront. Mais on n’y croit plus.

La situation s’éternise. Il est terrifiant de voir comme l’on s’habitue. Quand le pire est à nos portes on lutte de toutes nos forces pour le maintenir dehors. Maintenant qu’il est rentré, on le contemple avec une certaine fatalité. On l’attend presque avec impatience, pour être enfin délivré de cette angoisse permanente. Cette pesanteur qui nous cloue au sol et avec laquelle il faut quand même avancer, toujours. Notre temps est suspendu à ce souffle qui soulève une poitrine avec toutes les peines du monde, avant de la laisser retomber. Ce souffle dont on sait que bientôt il n’aura plus la force d’accomplir cette prouesse ordinaire.

Tout d’un coup des lèvres remuent. Le petit homme s’est levé, il prononce des paroles de haines, déverse le malheur sur la foule des convives attablés. Le roi encaisse, se lève, blêmit. Son regard n’est que douleur et cendres et pierres froides. Il retombe. Un rictus parcourt le visage du fou. Il sort, satisfait. Une poitrine a cessé de se soulever et c’est tout un peuple qui ne respire plus. Au coin de l'oeil du monarque, déchu de toute sérénité, une larme perle et présage des torrents à venir. Quelques bougies s’éteignent, comme si elles avaient compris que le malheur, comme la pleine félicité, a besoin d’obscurité.

Comme on s’était faussement habitué à la présence du bouffon dans nos murs on croit s'accommoder de son départ et de ces glaires de chagrin qu'il a craché comme en héritage. Ses mots résonnent encore dans les salles du château et chaque pierre prolonge un peu plus longtemps leur écho. Mais quelque part, cela leur donne quelque chose d’irréel. On n’y croit pas encore tout à fait. Quand le mendiant a parlé, c’était presque une délivrance. Mais on n’échappe pas à la réalité. Le poids de l’attente, bien vite, est remplacé par un autre, plus pesant encore : l’absence. Ce fardeau là ne retombera jamais. Il faut apprendre à avancer avec, en sachant parfois, le reposer un instant.

dimanche 28 mars 2010

I am the rain

(###) I am the rain

Nevermind what God said


Que nous importe la parole de Dieu, aujourd'hui l'amour a perdu sa raison.

(###)

The preacher lost his son
He's known by all in town
He found him with another son of God
Feeding on the prayer
Nevermind what God said
But love had lost its cause
And I thought today had been ok

Bris de remords

Le vitrail d'un mausolée, brisé de remords et bouffé par le temps.

(###) Freeze and explode

Voyeur


Une image prise à la volée, pas très bien cadrée, du coup, mais on prétendra magnanimement que ça lui donne un certain charme.

(###) David Bowie - The voyeur of utter destruction

Un ange passe...

Cupidon Chérubin, sous verre, les fesses à l'air, se prend pour Damoclès et menace de sa flèche un pauvre hère, mort d'avoir attendu trop longtemps que ça lui tombe enfin dessus.

(###) Lolita nie en bloc

Réunion bancale à Montparnasse

(###) Rester bancal

La rose et la croix

(###) L'iris et la rose

A man's gotta do what a man's gotta do

(###) Ne cherchez pas à comprendre.

Clocher-Thierry

(###) La ballade des gens qui sont nés quelque part, remise au goût du jour par Tarmac.

mardi 23 mars 2010

dimanche 14 mars 2010

Viens hurler du silence

(###) Pourquoi lutter ? Un classique parmi les classiques : The Sound of Silence - Simon & Garfunkel

And in the naked light I saw
Ten thousand people, maybe more
People talking without speaking
People hearing without listening
People writing songs that voices never share

And no one dared
Disturb the sound of silence


Je l'ai promis, désormais j'essaierai autant que possible de traduire l'anglais. Paraît que c'est un bon exercice de toute façon.

Et dans la lumière nue j'ai aperçu
Dix mille personnes, peut-être plus
Ils parlaient sans dire un mot
Entendaient sans écouter
Ecrivaient des chansons qu'aucune voix ne venait partager
Et aucun n'osait
Déranger le chant du silence


Abbaye

(###) Fredo Viola - Une folk mâtinée de chants religieux délicieusement païens.

mardi 9 mars 2010

Les ouvriers spécialisés du journalisme sur la sellette. Tant mieux ?

Je sais que je ferais mieux d'aller me coucher étant donné que je pars demain à l'aube pour la Lorraine. Mais là, c'est pas possible. Je viens de tomber sur cet article du monde : L'ère des robots-journalistes.

(Je note pour la forme que j'ai moi-même interviewé Francisco Iacobelli - dont il est question dans l'article du Monde - il y a quelques jours, pour L'Atelier.)

L'avenir du journalisme est tout tracé : une machine va faire le boulot. Le plus amusant, c'est que j'en discutais la semaine dernière avec le responsable Conseil de L'Atelier.

Il était très pessimiste. Pour lui, les journalistes sont en train de vivre ce que les ingénieurs informaticiens ont vécu il y a quelques années et ce que les artisans ont connu avant eux : un appauvrissement (pour ne pas dire abrutissement) du métier. D'abord il y a eu l'OS, la phase première. On oublie le savoir-faire, on se concentre sur des tâches simples qui ne requièrent qu'une formation minime, et on va vite. L'ouvrier est devenu mécano, les ingénieurs deviennent développeurs. Les seconds programment à la chaîne et alignant les lignes de codes comme les premiers assemblent leurs écrous. Et puis il y a eu la machine. Elle ne se plaint pas, elle abat le boulot plus vite encore, et avec moins d'erreurs.

Pour les journalistes, la même chose se prépare donc. J'ai pu le constater moi-même, les ordinateurs se perfectionnent à vitesse grand V dans leur imitation de l'humain. Il suffit de regarder les progrès accomplis par les logiciels de traduction automatique pour s'en convaincre. Le robot-journaliste arrive, et ça n'est pas de la science fiction. Le pire, le plus terrible dans cette histoire, c'est que si on en est déjà à préparer la phase 3, c'est qu'on est déjà bien avancés dans la phase 2. L'abrutissement du métier de journaliste. La production de dépêches à la pelle, on oublie l'analyse, on oublie la vérification de l'information, on oublie le savoir-faire. Les "JS" existent. Les rédactions ont besoin de "flux", d'informations qui coulent et viennent alimenter leur site. Les journalistes et les médias qui les emploient sont donc responsables, en grande partie, de cette situation. Ils ont laissé le métier s'appauvrir au point qu'on puisse aujourd'hui le remplacer par un ordinateur perfectionné sans que personne ne s'en rende compte. Avaient-ils le choix ?

Tous les artisans n'ont pas disparu. Toujours, nous aurons besoin dans certains domaines de personnes qualifiées, ayant peaufiné leur art durant des années. Une montre de supermarché et une horloge de luxe ont peu en commun. Mais ne nous voilons pas la face, ça n'est plus depuis longtemps la majorité des cas. Et peut-être, sans doute, tant mieux. Le progrès implique sa part de sacrifices.

Alors, où sont les artisans du journalisme ? Où les robots-journalistes ne pourront-ils pas opérer ? En Irak, en Afghanistan, en Iran, à Haïti ? Sans doute, pour un temps. Vraiment, il est temps que je me mette au Persan.

Pardonnez-moi ce billet d'humeur écrit rapidement et sans réelle construction. Après tout, c'est ce qui distingue une note de blog d'un article. Pour l'instant, il existe encore des gens qui font la différence. Je ne me leurre pas, et sans amertume je sais que cela ne durera pas. Je ne clouerai pas au pilori cette nouvelle marque du progrès, aussi terrifiante soit-elle. Malgré les dérives qu'elle risque d'engendrer, je la crois inévitable. Plutôt que de la combattre, je préfère m'adapter. J'ai quelques années encore devant moi pour intégrer, non pas la résistance, mais le renouveau du journalisme. Rien que ça.

lundi 8 mars 2010

Bashung revival


Il y a deux ans, on m'avait confié dans la rue, ou peut-être à la sortie d'un concert, un CD promotionnel. Une seule chanson d'un jeune chanteur inconnu dont j'avais oublié le nom jusqu'à tout à l'heure. J'ai dû l'écouter deux ou trois fois, maximum, mais le refrain m'est resté dans la tête tout ce temps : "Miss Louisiana, tu n'es plus une idole, pour Miss Ryad et toi, c'est la fin du pétrole". Allez savoir pourquoi, c'est ressorti tout seul ce weekend. En évoquant Ljubljana, dont la sonorité, il est vrai, est très proche de Louisiana. Ça m'est revenu encore tout à l'heure, et j'ai retrouvé l'album en question : Ludéal.

En le réécoutant, deux ans après l'avoir entendu la première fois, un nom s'est imposé comme une évidence : Bashung. Le parallèle semble aller de soi, et pas uniquement pour la thématique du pétrole [le dernier album d'Alain Bashung s'appelle Bleu pétrole, ndlr*]. Je vous mets la chanson en lien, mais je vous invite à écouter l'album en entier, ça vaut le coup.

Ps : c'est la journée des revenants, j'en profite pour saluer le retour - que l'on espère durable - de Viavienne.

* J'ai toujours rêvé de m'auto-annoter. Un jour je m'auto-interviewerai aussi. Juste avant de m'auto-critiquer.

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dimanche 7 mars 2010

Navire urbain

Mieux vaut forcer sur la saturation que sur la bouteille.

Fifteen men on a dead man's chest
Yo ho ho and a bottle of rum.
Drink and the devil had done for the rest
Yo ho ho and a bottle of rum.

(###) Midlake - The courage of others - Acts of man.

vendredi 5 mars 2010

Sur le fil

"Dans les 'associations', chaque nouvel étudiant était dûment 'endoctriné' [...] ; par ailleurs, on l'initiait à tous les usages de la corporation. Chaque novice était confié à un 'frère de corps' auquel il devait une obéissance d'esclave et qui, en échange, l'instruisait dans le noble art du Komment, ensemble des us et coutumes de la corporation : boire jusqu'à en vomir, vider d'un trait, jusqu'à la dernière goutte d'un lourd hanap de bière, afin de prouver glorieusement qu'on n'était pas une chiffe molle, ou bien hurler en coeur des chansons d'étudiant et bafouer la police en défilant au pas de l'oie et à grand vacarme par les rues en pleine nuit. Tout cela passait pour 'viril', pour 'universitaire', et quand les corporations se rendaient à la parade du samedi [...], ces jeunes niais, gonflés d'un orgueil imbécile par leur propre agitation, se croyaient les vrais représentants de la jeunesse intellectuelle. Ils croisaient d'un regard méprisant la 'plèbe' qui ne savait pas estimer comment elles le méritaient cette culture universitaire."

Non, bien que très ressemblante, cette description ne s'applique pas à nos écoles de commerces. Le corporatisme, l'esprit grégaire et suffisant dénoncés ici ne concernent même pas la France. Ni même notre époque. Ces étudiants, que décrit avec tant de dégoût Stefan Zweig, sont viennois. La Vienne du début du siècle, juste avant que deux guerres mondiales ne ravagent l'Europe. J'ai choisi ce passage puisqu'il m'a rappelé le côté le plus détestable de notre "élite" actuelle, mais j'aurais pu en choisir bien d'autres tant la ressemblance avec notre époque est flagrante. Dérives spéculatives, roidissement des moeurs, communautarisme, repli national... Je n'aime pas jouer les oiseaux de mauvais augure, mais à l'heure où l'on parle de passer l'enseignement de l'Histoire au second plan, tirer les enseignements du passé, pointer du doigt les avertissements de nos Pères et de la littérature des siècles passés me semble indispensable. La mode est un cycle. La nature humaine est un gouffre qu'il convient sans cesse d'escalader, en prenant garde de ne pas retomber plus bas encore qu'on le croyait possible. Aujourd'hui nous sommes en équilibre, et le risque existe toujours que nous glissions sur une pente raide.

lundi 1 mars 2010

Sans la nommer


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Je voudrais Sans La Nommer vous parler d’elle
Comme d’une bien aimée, d’une infidèle
Une fille bien vivante qui se réveille
A des lendemains qui chantent sous le soleil
C’est elle que l’on matraque
Que l’on poursuit, que l’on traque
C’est elle qui se soulève, qui souffre et se met en grève
C’est elle qui l’on emprisonne, qu’on trahit, qu’on abandonne
Qui nous donne envie de vivre, qui donne envie de la suivre, jusqu’au bout, jusqu'au bout.