"Dans les 'associations', chaque nouvel étudiant était dûment 'endoctriné' [...] ; par ailleurs, on l'initiait à tous les usages de la corporation. Chaque novice était confié à un 'frère de corps' auquel il devait une obéissance d'esclave et qui, en échange, l'instruisait dans le noble art du Komment, ensemble des us et coutumes de la corporation : boire jusqu'à en vomir, vider d'un trait, jusqu'à la dernière goutte d'un lourd hanap de bière, afin de prouver glorieusement qu'on n'était pas une chiffe molle, ou bien hurler en coeur des chansons d'étudiant et bafouer la police en défilant au pas de l'oie et à grand vacarme par les rues en pleine nuit. Tout cela passait pour 'viril', pour 'universitaire', et quand les corporations se rendaient à la parade du samedi [...], ces jeunes niais, gonflés d'un orgueil imbécile par leur propre agitation, se croyaient les vrais représentants de la jeunesse intellectuelle. Ils croisaient d'un regard méprisant la 'plèbe' qui ne savait pas estimer comment elles le méritaient cette culture universitaire."
Non, bien que très ressemblante, cette description ne s'applique pas à nos écoles de commerces. Le corporatisme, l'esprit grégaire et suffisant dénoncés ici ne concernent même pas la France. Ni même notre époque. Ces étudiants, que décrit avec tant de dégoût Stefan Zweig, sont viennois. La Vienne du début du siècle, juste avant que deux guerres mondiales ne ravagent l'Europe. J'ai choisi ce passage puisqu'il m'a rappelé le côté le plus détestable de notre "élite" actuelle, mais j'aurais pu en choisir bien d'autres tant la ressemblance avec notre époque est flagrante. Dérives spéculatives, roidissement des moeurs, communautarisme, repli national... Je n'aime pas jouer les oiseaux de mauvais augure, mais à l'heure où l'on parle de passer l'enseignement de l'Histoire au second plan, tirer les enseignements du passé, pointer du doigt les avertissements de nos Pères et de la littérature des siècles passés me semble indispensable. La mode est un cycle. La nature humaine est un gouffre qu'il convient sans cesse d'escalader, en prenant garde de ne pas retomber plus bas encore qu'on le croyait possible. Aujourd'hui nous sommes en équilibre, et le risque existe toujours que nous glissions sur une pente raide.
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