mardi 9 mars 2010

Les ouvriers spécialisés du journalisme sur la sellette. Tant mieux ?

Je sais que je ferais mieux d'aller me coucher étant donné que je pars demain à l'aube pour la Lorraine. Mais là, c'est pas possible. Je viens de tomber sur cet article du monde : L'ère des robots-journalistes.

(Je note pour la forme que j'ai moi-même interviewé Francisco Iacobelli - dont il est question dans l'article du Monde - il y a quelques jours, pour L'Atelier.)

L'avenir du journalisme est tout tracé : une machine va faire le boulot. Le plus amusant, c'est que j'en discutais la semaine dernière avec le responsable Conseil de L'Atelier.

Il était très pessimiste. Pour lui, les journalistes sont en train de vivre ce que les ingénieurs informaticiens ont vécu il y a quelques années et ce que les artisans ont connu avant eux : un appauvrissement (pour ne pas dire abrutissement) du métier. D'abord il y a eu l'OS, la phase première. On oublie le savoir-faire, on se concentre sur des tâches simples qui ne requièrent qu'une formation minime, et on va vite. L'ouvrier est devenu mécano, les ingénieurs deviennent développeurs. Les seconds programment à la chaîne et alignant les lignes de codes comme les premiers assemblent leurs écrous. Et puis il y a eu la machine. Elle ne se plaint pas, elle abat le boulot plus vite encore, et avec moins d'erreurs.

Pour les journalistes, la même chose se prépare donc. J'ai pu le constater moi-même, les ordinateurs se perfectionnent à vitesse grand V dans leur imitation de l'humain. Il suffit de regarder les progrès accomplis par les logiciels de traduction automatique pour s'en convaincre. Le robot-journaliste arrive, et ça n'est pas de la science fiction. Le pire, le plus terrible dans cette histoire, c'est que si on en est déjà à préparer la phase 3, c'est qu'on est déjà bien avancés dans la phase 2. L'abrutissement du métier de journaliste. La production de dépêches à la pelle, on oublie l'analyse, on oublie la vérification de l'information, on oublie le savoir-faire. Les "JS" existent. Les rédactions ont besoin de "flux", d'informations qui coulent et viennent alimenter leur site. Les journalistes et les médias qui les emploient sont donc responsables, en grande partie, de cette situation. Ils ont laissé le métier s'appauvrir au point qu'on puisse aujourd'hui le remplacer par un ordinateur perfectionné sans que personne ne s'en rende compte. Avaient-ils le choix ?

Tous les artisans n'ont pas disparu. Toujours, nous aurons besoin dans certains domaines de personnes qualifiées, ayant peaufiné leur art durant des années. Une montre de supermarché et une horloge de luxe ont peu en commun. Mais ne nous voilons pas la face, ça n'est plus depuis longtemps la majorité des cas. Et peut-être, sans doute, tant mieux. Le progrès implique sa part de sacrifices.

Alors, où sont les artisans du journalisme ? Où les robots-journalistes ne pourront-ils pas opérer ? En Irak, en Afghanistan, en Iran, à Haïti ? Sans doute, pour un temps. Vraiment, il est temps que je me mette au Persan.

Pardonnez-moi ce billet d'humeur écrit rapidement et sans réelle construction. Après tout, c'est ce qui distingue une note de blog d'un article. Pour l'instant, il existe encore des gens qui font la différence. Je ne me leurre pas, et sans amertume je sais que cela ne durera pas. Je ne clouerai pas au pilori cette nouvelle marque du progrès, aussi terrifiante soit-elle. Malgré les dérives qu'elle risque d'engendrer, je la crois inévitable. Plutôt que de la combattre, je préfère m'adapter. J'ai quelques années encore devant moi pour intégrer, non pas la résistance, mais le renouveau du journalisme. Rien que ça.

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