jeudi 18 novembre 2010

Nuits agitées au « Quiet Man »

Le petit pub irlandais de la rue des Haudriettes réussit l’exploit de réunir touristes en goguettes et habitués rigolards dans une ambiance décontractée

C’est un petit bout d’Irlande qui se terre au cœur du quartier du Marais, à deux pas du centre Pompidou et des Archives Nationales. C’est là, au Quiet Man, que les touristes égarés et les Parisiens avertis se retrouvent autour d’une pinte de bière. La devanture verte ornée d’une choppe brune et le nom écrit en lettres gaëliques donnent le ton. Il ne faut pas se laisser tromper par les bouteilles de vin qui ornent joliment les étagères au-dessus du bar : dans cet îlot irlandais, on sert avant tout de la Guinness et de la Kilkenny. « Et si on veut du vin ? », taquine une cliente ? « Avant il y avait une échelle, mais elle prenait trop de place. De toute façon, on ne m’en demande jamais », sourit Franck, le propriétaire. La chaleur et la convivialité qui règnent ici doivent autant à ce trentenaire festif qu’à la disposition même du pub : la salle principale est minuscule, et il est difficile dans ces conditions de faire autrement que de plaisanter avec ses voisins.

Le Quiet Man doit son nom à un film de John Ford datant de 1952. John Wayne y interprète un boxeur irlandais à la retraite qui décide de mettre fin à son exil américain et de chercher le repos dans le village de son enfance. En fait de repos, il se retrouve surtout embarqué dans les histoires tumultueuses des fiers et bruyants villageois. Une atmosphère gaie et un brin désordonnée dont a hérité le petit pub de la rue des Haudriettes. On vient pour déguster une Guinness et on se retrouve à plaisanter avec un vieux juif américain de passage. Ici, on parle le français et l’anglais avec tous les accents possibles et imaginables.

« Toute sortie est définitive »

Franck tutoie presque tout le monde, salue les habitués par leur prénom et, pendant les heures creuses, joue aux fléchettes avec ses clients. Il se raconte aussi parfois. Le Quiet Man, c’est sa fierté, la preuve que la trentaine bien entamée, il a déjà un peu réussi sa vie. Amoureux de l’Irlande, il tente de la faire revivre dans son bar en organisant des concerts et des ateliers de musique ou de chant.

Cela se passe plutôt en bas, dans la cave qui vient tripler l’espace. On y trouve une vingtaine de chaises mal assorties, quelques bancs et une poignée de tables prêtes à recevoir les visiteurs. Au mur, au-dessus d’une affiche jaunie pour un festival de musique irlandaise de l’été 1986, une vieille horloge de bois indique éternellement 8 heures 18. Mais au Quiet Man, le temps n’est figé que dans le décor. Groupes professionnels et amateurs réunis pour la circonstance se chargent de faire vivre ce bar dans des bœufs survoltés de guitares et de violons.

À presque 3 heures du matin, les derniers clients terminent leur verre. Le rideau est tiré, la porte est fermée, mais pas question de les mettre dehors. Franck discute avec les retardataires, et prévient seulement que « toute sortie est définitive ». Jusqu’au lendemain, en tout cas.

dimanche 14 novembre 2010

Fillon : c'est reparti pour un tour

Couverture d'un quotidien fictif (pour l'instant, en tout cas), réalisée dans le cadre d'un cours d'édition. Très d'actualité. C'est un hasard, mais le titre du quotidien contredit la "une".


(###) Pour un flirt avec toi, revu et corrigé par Jane Birkin et Christophe Miossec

vendredi 12 novembre 2010

mercredi 10 novembre 2010

Les zones d’ombre de l’Histoire cambodgienne en question au tribunal de Paris

Trente ans après la fin de la dictature communiste, toutes les blessures sont loin d’être refermées au Cambodge. « Le Monde » pourrait en faire les frais après avoir qualifié peut-être un peu légèrement d’« ex-cadre Khmer rouge » l’actuel ministre des Affaires étrangères, Hor Namhong. 

Les grilles d'entrée du
Tribunal de Grande Instance de Paris
Pour avoir écrit dans un article paru en septembre 2009 qu’un ministre cambodgien avait dans le passé été « cadre » du régime de Pol Pot, le journal du soir se voit poursuivi en diffamation devant la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris. C’est que les termes ont leur importance dans un pays en plein effort de réconciliation nationale et où des procès sont encore en cours.

En ce sens, l’histoire d’Hor Namhong est assez révélatrice : jeune diplomate royaliste, il est enfermé avec sa famille dans le camp de travail forcé de Boeng Trabek, peu après l’arrivée des communistes au pouvoir. Il y est désigné « président du comité des prisonniers » – sans s’être jamais présenté à ce poste. De fait, il exerça certaines responsabilités à l’intérieur du camp : il répartissait le travail et la nourriture, et surtout, il organisait des séances de « critique et d’auto-critique ». Cet exercice imposé par les Khmers rouges visait à détruire toute notion d’individualisme en favorisant les dénonciations collectives, et aboutissait parfois à des exécutions.

Sans nier la réalité de ces faits, la défense a tâché de rappeler qu’à aucun moment Hor Namhong n’avait adhéré de son plein gré à l’idéologie Khmer rouge et que sa vie et celle de sa famille étaient menacées, ne lui laissant pas d’autre choix que de participer à ces mascarades de tribunaux. Les avocats du ministre ont également produit plusieurs témoignages d’anciens prisonniers rappelant que Hor Namhong n’était qu’un captif comme les autres. « On veut nous faire confondre victime et bourreau », s’est étranglé un avocat. En réponse, Le Monde a mis en avant plusieurs témoignages évoquant le « zèle » avec lequel le président du comité des prisonniers remplissait ses fonctions, ou s’étonnant de sa nomination répétée par un proche de Pol Pot. Finalement, c’est encore la formule tirée d’un livre d’enquête de Francis Deron – qui fut lui aussi correspondant du Monde – qui résume le mieux la situation : « l’histoire du camp de Boeng Trabek reste une zone d’ombre de l’Histoire du Cambodge ».

Le doute qui subsiste ne transparait pas franchement dans les termes utilisés, comme s’est employé à le montrer la défense. « Quand on parle de ‘cadre’, on sous-entend une adhésion à un parti, à une thèse », a martelé l’avocat de la partie civile. Le Monde a plaidé la bonne foi, assurant que le journaliste n’entendait par là qu’un « intermédiaire » ayant eu des « responsabilités » sans nécessairement prendre part aux décisions. « Cela ne fait pas de lui un criminel, ce n’est pas ce qui est dit », a essayé de convaincre l’avocate du journal.

Une justification laborieuse qui n’a visiblement pas convaincu la procureur, puisqu’elle a estimé que ces propos étaient bel et bien diffamatoires. Elle a par ailleurs souligné le manque de sérieux de l’enquête menée par le journaliste, celui-ci n’appuyant ses affirmations que sur la base de témoignages unilatéraux réunis sur le site d’un opposant politique de Hor Namhong… et lui-même condamné pour diffamation par ce même tribunal, quelques mois avant la parution de l’article incriminé.

Verdict le 14 décembre prochain.

jeudi 4 novembre 2010

"The American", thriller contemplatif

A contre-emploi, George Clooney interprète un tueur en quête de rédemption dans un film lent et mélancolique

Jack, un assassin professionnel poursuivi par de mystérieux tueurs suédois se réfugie dans une petite ville de montagne italienne où il prépare son dernier contrat. A lire le synopsis de The American, on serait tenté de le classer dans la catégorie des thrillers grand public. Alors autant le dire d’entrée, les spectateurs qui viendraient voir un spectacle à gros budget avec fusillades, courses-poursuites et scénario à tiroirs resteront sur leur faim.

On y retrouve certes George Clooney, un habitué de ce genre de films, mais presque à contre-emploi. Il incarne ici un tueur à gages tourmenté et paranoïaque, assez loin du séducteur gouailleur qu’on a pris l’habitude de le voir interpréter. Jack est un solitaire avare de ses mots et dont les lèvres semblent incapables d’esquisser un sourire. Après un épisode suédois qui tourne au fiasco, maculant de sang les neiges scandinaves, il est prêt à raccrocher. Il accepte néanmoins une dernière mission, qu’il prépare dans un village reculé, quelque part au sud de l’Italie.

Avant d’être cinéaste, Anton Corbjin est photographe, et en bon photographe, il préfère suggérer que montrer. On ne saura donc pas grand-chose de l’intrigue ni de ce passé que Jack cherche à solder. Le réalisateur s’intéresse beaucoup plus à l’état présent de son personnage. Il filme les lents préparatifs de cet artisan du crime, ses errances dans les collines alentours, mais aussi ses rencontres avec les habitants. Car rapidement, le héros oublie l’injonction de son employeur : « Ne te fais aucun ami. » Il brave l’interdit en se liant avec les extrêmes : un prêtre – bavard et curieux – et une prostituée, tous deux très attachants.

Parenthèses étouffantes

Les quelques scènes d’action qui viennent ponctuer le récit en renforcent encore la lenteur générale. Filmées de manière dense, elles constituent des parenthèses de violence qui viennent rappeler au héros une condition étouffante à laquelle il rêve d’échapper. Au village, on l’appelle d’ailleurs « monsieur papillon ». Une espèce menacée, comme Jack le souligne lui-même.

Anton Corbijn construit un film à part, un roman à suspense sans intrigue baignant dans un flou qu'on ne peut que qualifier d'artistique. Les paysages, filmés avec un sens du cadrage et de la lumière remarquable (déjà présent dans l'éblouissant Control, sorti en 2007), y prennent autant d’importance que les personnages. Le réalisateur invente un thriller contemplatif et mélancolique déroutant, mais qui séduira les spectateurs les moins pressés.

The American (2010), 01h43
Film de Anton Corbijn
Avec George Clooney, Paolo Bonacelli,
Violante Placido et Thekla Reuten